Groupie hystérixx |
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Inscription: Aoû 12, 2006 23:09 Messages: 3573 Localisation: Paris
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Dom's
07 - Critique Presence Presence - La critique morceau par morceau :
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1 - Achilles Last Stand :
Quelle ne fut pas ma surprise quand un beau matin du printemps 1976, feuilletant tranquillement la revue « Best », je tombais sur un article annonçant la sortie imminente de « Presence », ah bon ? Déjà ? hé oui, et l’on ne m’avait rien dit ! L’album avait la lourde tâche de succéder à « Physical Graffiti ». Alors vous pensez bien, adrénaline à fond la caisse, je croyais rêver ! L’article parlait de seulement sept nouveaux morceaux dont un plutôt long (Achilles Last Stand, le nouveau Kashmir ?), un blues rarement aussi brûlant (Tea For One) et quelques autres affûtés comme des sabres de combat, après l’orgie graffitique cela faisait bien peu 7. Et puis pour le people, l’article disait que Plant se déplaçait en fauteuil roulant suite à son accident de voiture sur l’île de Rhodes, il aurait même passé une partie de sa convalescence à Malibu dans la California sunlight lisant du Nietzsche…Bref, à quoi devait-on s’attendre ? sachant qu’en plus, il nous était précisé que l’album avait du être enregistré assez vite au Musicland à Munich car les Rolling Stones trépignaient d’impatience d’y enregistrer leur « Black and Blue », et chacun sait que l’on ne fait pas attendre les Glimmer Twins.
L’un de mes frères guetteurs aperçut le disque dans les bacs d’une grande surface pas très éloignée. Mon sang ne fit qu’un tour, il me le fallu de suite. Ce fut chose faite le soir même. Quel bel album tout blanc, photos rendues bizarres par « l’objet » mystérieux, pochette sentant bon et ressemblant à s’y méprendre à celle du « Wish You Were Here » des Pink Floyd, ce qui valu d’ailleurs un procès par ces derniers à son concepteur, la célèbre agence Hipgnosis and Hardie. Détail non présent sur la jaquette du cd mais que l’on pouvait voir à droite de l’image de face de la pochette du vinyle, Led Zeppelin et Presence inscrits sur deux lignes en relief mais invisibles de loin…la classe…
Avec « Physical Graffiti » il faut admettre que nous nous étions un peu embourgeoisés, par l’odeur et le confort des cuirs victoriens les plus rares dans lesquels nous avions commencé à faire un peu de gras en nous y prélassant. N’étions-nous pas nous aussi un peu la risée des punk ? Je crois que par la force des choses, « Presence » ne fut pas qu’une réponse aux punks, mais plutôt un magistral coup de pied à ses propres fesses devenues nanties et par moment presque flasques, coup de pied ferme et direct comme le put être Led Zeppelin-1 aux fesses entières du rock d’alors. La première écoute fut donc plutôt un choc non par la violence mais par une impression de se sentir un peu mal à l’aise devant une certaine rudesse, une âpreté, où tout ne nous était plus servi comme sur un plateau d’argent. On nous demandait de participer à cette nouvelle aventure interactive. Combler les éventuels silences entre les breaks, être mis en situation de réagir plus encore…
« Achilles Last Stand » annonce donc bien la couleur et met un couvert froid et glacial avec face de règlement de comptes balafrée dès le début. On pense mythologie et lutte entre titans. En guise d’intro, aiguisage circulaire d’immenses sabres électriques, il faut qu’ils puissent trancher des rocking-chairs feignasses. Puis ça commence d’entrée avec un riff faucheuse qui débroussaillera sec et superbe de droite et de gauche tout au long du morceau alors que ça pilonne déjà très sévère en arrière garde avec une grosse rythmique galopante comme montée sur d’immenses ressorts et ça ne s’arrêtera plus, ça fonce à grande vitesse et l’on entend comme des sabots guerriers foulant en continu et d’un bruit sourd les sols brûlés du passé pour mieux le fuir. John Bonham est particulièrement puissant, déjà juste après l’intro il a donné le premier coup de boutoir énorme et flash et il s’est chargé de porter l’arrête dorsale du morceau que caoutchoute comme collé son associé discret et ombrageux Jonesy. Robert Plant est au dessus de la mêlée et adopte un ton grave et assez puissant, on n’est pas vraiment dans le sobre mais il a pourtant la grâce d’un troubadour triste, chanteur de cette chanson de geste guerrière. Par endroits, sa voix monte encore assez haut dans le prolongement de tel accord de guitare ou virage du groupe dans des directions plus aigues, ce qui ajoute au dramatique de son discours. Cette fois-ci, ce qui pour moi serait son « truc vocal », ce sont ses ah ah ah…ah ah ah…ah ah ah maintes fois dits au détours de couplets, ça donne une fraîcheur bizarre à son chant, on dirait qu’il rie jaune et qu’en apprenti sorcier, il ne sait pas la trajectoire que pourra tracer ce boulet rouge de morceau qu’il est en train de chevaucher bien peu fier…
Mais le grand coutelier de la réunion c’est Jimmy Page, ça on sent très vite que « Presence » est SON album et qu’il s’est beaucoup plus mis aux manettes que par le passé parce que les autres « battaient un peu la campagne » comme on dit. On ne va pas vraiment y perdre au change remarquez. Par exemple ses guitares sur Achilles, c’est « extension du domaine de la multistrate» satisfait ou remboursé ! Quand Jimmy prend en charge un studio dans une sorte d’urgence, ça tronçonne sec au niveau rendement, il faut que ça débite, il faut que ça soit proche de la perfection, mais vite, donc pas de chichi. Pourtant, il faut néanmoins que ça fasse un minimum riche. Pas question d’être « cheap » chez les Zep. Et puis attention, les Stones attendent. Donc les guitares sont hyper efficaces et crachent du concentré de riff, pas un soupçon de lard sur ces côtes là, pourtant il y a souvent de la belle luxuriance métallique comme il sait si bien la produire. C’est ça le miracle pagien, offrir un grand orchestre de guitare en multitude d’humeurs, de travers et d’obliques à une toute petite aventure sonore d’à peine 10 mn et en faire ainsi un véritable opéra métallique aussi plein qu’un empire. On dit qu’il se serait tapé tous les soli de « Presence » en à peine 14 heures, mais quels soli bon sang ! Par exemple il y a à peine 4 mn qu’Achilles a commencé à s’emballer que voilà déjà ce que je n’ai pas peur de considérer comme l’un des deux ou trois plus beaux soli de guitare de Page sur toute sa carrière, et même du rock tout entier. Un son d’apocalypse à la flamboyance écrue, une peau mercure à l’ondoyance dangereuse mais attirante, on part sur une seule image sonore et en un retour de manche, c’est comme par magie plusieurs qui s’offrent à nous en une , et puis cette sorte de noblesse insolente façon british y est toute incluse et le clinquant n’existe pas, ce grain particulier qui n’appartient qu’à lui toujours beaucoup plus en profondeur qu’en épaisseur. Son son me fait aussi penser à cette inscription visible sur les bouteilles des meilleurs single malt écossais : « shine but not burn », ça vous réchauffe à l’intérieur, mais ça ne vous brûle pas. Page ébloui son monde. Sur le reste du morceau sa guitare patronne et multiple continuera de foncer, de virevolter, de conduire, de multi-coucher en de lourds drapés torrides étouffant les soupirs froids de la mort, j’ai même senti de furtives réminisences celtiques dans de presque imperceptibles arabesques contines/courbettes, enfin, à plusieurs reprises, elle aura presque su stopper l’infernal Achilles haletant par de monstrueux piétinements - mitrailleuses perfusés à chaque fois à nos neurones ébahis. Mais ça ne suffira pas, le morceau repartira à chaque fois de plus belle comme dopé à l’infini…
« Bonsoir, Le Crépuscule des Dieux de Monsieur est avancé » aurait-on envie de dire d’Achilles, mais c’est un peu ça en fait. Cette folle course est effrayante dans son sourire narquois et hautain. Mais sa superbe n’est pas du toc, point de staff ou de stuc, mais de la pierre monumentale, vraie, nue, solide, grattée à vif et qui seule survit aux demi-dieux. La chute d’Achille s’achève dans les mêmes circonférences glacées du début. « Achilles Last Stand », le début d’une fin en soi, le début d’une autre faim, celle de ce rock du plus que futur…
Pierrou Achilles Last Stand
Munich, novembre 75, studios Musicland : Led Zeppelin a toujours les crocs. Au point d'attaquer directement le nouvel album par le plat de résistance, cet Achilles Last Stand de dix minutes que beaucoup considèrent comme le dernier grand classique du groupe (...et In the Evening alors?). Epique est le premier mot qui vient à l'esprit, à l'écoute de cette cavalcade dont le mouvement rappelle un peu The Song Remains the Same - à ceci près que la virtuosité tranquille et insolente qu'on entendait sur Houses of the Holy, et encore pas mal sur Physical Graffiti, s'est entre temps - et au fil des épreuves - chargée de bile, de tension, de hargne, ce qui nous renverrait plutôt à la rage rock du premier album. Page, Bonham, Jones, Plant, quatre quasi-cavaliers de l'Apocalypse qui déboulent de front et à fond de train, avec l'air de partir en guerre, à la reconquête d'un territoire grignoté par les premiers sauvageons punk. Plutôt que d'attaquer la jeunesse débraillée sur son propre terrain, le groupe fait ici dans l'utra-Zep, bien décidé à jouer plus haut, plus vite, plus fort, une version à la fois concentrée et rallongée de la recette testée sur No Quarter et approuvée sur les nombreux morceaux longs de Physical Graffiti. La batterie de Bonham a rarement cogné aussi fort, mais à ses côtés, les guitares mulitpliées par Page et la basse galopante de John Paul Jones font au moins autant de raffût. Ce qui impressionne, encore plus que la maîtrise technique et l'énergie déployées par chacun des musiciens, c'est la puissance et la précision de l'ensemble, qui semble répondre au doigt et à l'oeil à un chef d'orchestre invisible, pas Page, pas Bonham, pas (encore) Jones ou Plant, peut-être le Diable ou un dieu du tonnerre quelconque. Le délire de grandeur atteint aussi Robert Plant, déjà un solide gaillard à la base, rendu carrément immense ici par un usage habile de la réverb et des overdubs. Le temps de cette chanson, il retrouve même curieusement le timbre clair et perçant de l'époque Led Zep IV, comme si le temps, les blessures et les coups du sort accumulés en huit ans de carrière (le dernier en date, qui l'aura cloué sur un fauteuil roulant pour toute la durée des répétitions et de l'enregistrement de l'album, aurait bien pu lui coûter la vie, et il y en aura d'autres) n'avaient eu en définitive aucun effet sur lui. A vrai dire, le groupe entier paraît très en forme, sa musique est plus puissante et complexe que jamais. Je suppose qu'on pourrait décrire sur des pages et des pages l'invraisemblable symphonie de guitares composée par Page, il y a, entre autres, dans le désordre et en stéréo, de gros riffs distordus joués à la vitesse de l'éclair, de la slide, des pédales wah-wah, et encore toutes sortes d'effets spéciaux et de sonorités électroniques... On pourrait aussi parler du solo ou essayer de raconter comment la science rythmique de Bonzo (et de ses acolytes, à vrai dire on ne sait plus vraiment lequel entraîne les autres) permet aux innombrables sections, tantôt plombées, tantôt aériennes, tantôt fulgurantes, de s'enchaîner sans heurts, suivant la formule magique inaugurée avec Stairway To Heaven, et de chasser l'ennui qu'on redoute toujours un peu quand nous arrive un morceau de cette taille-là. Je suppose qu'on peut sincèrement s'extasier devant un ouvrage aussi colossal, et même le considérer comme l'oeuvre la plus achevée du groupe. Pour ma part, je dirais qu'à force de vouloir nous en coller plein la vue, Led Zeppelin a fini par rompre l'équilibre subtil qui faisait de The Battle Of Evermore ou Immigrant Song des chansons plaisantes malgré leur grotesque thématique guerrière. Achilles Last Stand, au final, c'est un genre de peplum pour les oreilles, vraiment bien fait, trucages balaises, irréprochable, mais bon, un peplum quand même, et c'est peut-être celui de trop. Un peu partout dans le monde, d'ailleurs, une multitude de jeunes musiciens a déjà commencé à se révolter contre la course à l'armement qui gangrène le rock des années 70 pour revenir aux sources du mouvement. Comme on connaît déjà la fin de l'histoire, on sait bien que cet Achilles imposant ne sera donc en réalité qu'une ligne Maginot rock, mais son architecture alambiquée nous rappelle malgré tout à quel point le talent de ses bâtisseurs était grand.
Véronique a écrit: dans l'échelle des spécialité "stéstostéronalle" de LZ je préfères Sick again à Trampled...... mais c'est pas non plus ce que j'aime chez LZ.. bon on a fini PG je pense!! déja!! alors PRESENCE j'aime énormément cet album, daileurs c'est le seul que j'ai écouté régulièrement pendant les 20 ans sans LZ pourquoi?? je le trouve "pur et efficasse" peut etre, je sais pas.... ACHILLES incroyable un truc pareil !! Cervantesque!!
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