(
merci pour ton compliment)
BATTLE !!
Le Yed a écrit:
Trout Mask Replica est un album qui ne laisse pas indifférent. Car Trout Mask Replica est une oeuvre de malade qui n'a aucun sens sauf celui qu'on veut bien lui donner. Captain Beefheart et son Magic Band ont branché le magnéto et l'ont laissé tourner pendant qu'ils jouaient ce qui leur passait par la tête. Le résultat est monumental, s'étalant sur un double album, et ne ressemble à rien sauf à du Beefheart. L'ombre du blues plane au dessus des morceaux mais Trout Mask Replica explose les frontières, va bien au delà des genres. Il faut s'accrocher pour suivre pendant près de quatre vingt minutes un délire cacophonique quasi non stop. Ca va du poème éructé a capella, des instrumentaux sans queue ni tête aux morceaux sérieusement déjantés en passant par des titres plus conventionnels dans la meilleure veine de Safe As Milk (enfin ils sont plutôt rares, mais géniaux: Moonlight On Vermont et China Pig avec sa guitare renversante). Bien sûr le tout est saupoudrée de la Beefheart touch. La voix de Don Van Vliet survole les débats au milieu d'un balet incessant d'instruments volontairement dissonants et mal synchronisés. Le groupe se complaît dans sa nullité même si le plus souvent elle n'est qu'apparente, les instruments à vent sont légions mais apparemment personne ne sait en jouer, mais c'est pas grave et c'est même l'essence de Trout Mask Replica. Car ce qui ressort de cet album c'est le sentiment d'extrême, d'intense liberté. Captain Beefheart va au bout de sa vision de la musique. Mais si en apparence elle ne rime à rien, elle est extrêmement riche et innovante en explosant tout ce qu'on a pu entendre auparavant, tout les codes établis. Et le résultat qui en ressort est loin d'être aussi inaudible qu'on aurait pu le craindre. C'est même étonnant d'entendre à quel point les morceaux s'enchaînent sans temps mort, de façon naturelle, dans un tourbillon sonore étrange, sans être rebutants un moindre instant. C'est juste captivant. De toutes façons il est impossible de cerner Trout Mask Replica, c'est une oeuvre qui nous dépasse. Car c'est tout simplement de la musique à l'état brut au sens le plus strict. Il fallait l'oser, Captain Beefheart l'a fait (et il n'y avait que lui pour le faire). Trout Mask Replica ne ressemble à rien mais surtout rien ne ressemble à Trout Mask Replica. Cet album est un cas d'école. A ce titre nombreux sont ceux qui vouent un culte à ce disque. On comprend pourquoi.
Bonzofever a écrit:
Dites-moi, qu'est-ce qui peut bien pousser quelqu'un à s'offrir cet album à la pochette rougeâtre, cadrant un type affublé d'un drôle de masque qui aurait l'air de vous chuchoter un secret se transmettant de bouche de truite à oreille de truite ? Quelle peut-être la réaction de cette personne à l'écoute du joyau que renferme cet écrin peu conventionnel ? Que se passe-t-il alors dans sa tête une fois le disque lancé ? Autant de questions qui divisent en deux parties le monde de ceux qui ont déjà écouté cet album. Vous ne pouvez pas y être indifférent.
Don Van Vliet, aka Captain Beefheart, est un de ses artistes dits arty des années 70 à avoir bouleversé la vision la musique. Cette façon de voir et de façonner la musique, le jeune Van Vliet ne l'a pas créée de toute pièces : en réalité, il découvre dès son plus jeune âge les bases de ce qui deviendra plus tard ce blues psyché expérimental, en faisant tourner des vyniles de blues et r'n'b de l'époque dont il partage l'écoute avec son grand compagnon, un certain Frank Zappa. En témoignent ses premiers travaux avec son Magic band, le Safe As Milk de 1967, où l'on sent déjà que les sonorités blues sont plus que teintées de pyschédélisme. Strictly Personnal, étape de transition, met en évidence que le groupe cherche à chatouiller les limites du blues pour mieux les transgresser. Il faudra attendre l'année qui suit pour que Captain Beefheart en arrive à son apogée.
Alors qu'en 1969, le monde découvre le puissant hard blues de Led Zeppelin, la réplique du masque de truite soulève bien des questions, car jamais avant, on n'avait entendu une telle fusion improbable : blues déjanté, absence de tempo prédéfini, ryhtmique indomptable, cacophonie à la rage créatrice surplombée par la voix unique de Beefheart, éructant avec la folie d'un schizophrène des textes dadaïstes - complètement barré. Les 28 pistes de l'album sont d'une force brute, navigant entre blues expérimental et free jazz - les improvisations de Van Vliet à la clarinette donnant encore plus de profondeur et de puissance d'impact à cette musique imprévisible.
Ce changement soudain n'est pourtant pas du à un simple éclair de génie : il faut remercier Zappa, qui tapis dans l'ombre, a capturé ces neuf heures de pure création dans ses studios personnels. Sans cela, peut-être n'aurions-nous jamais connu tel embrasement exultatoire, qui précède le non-moins génial Lick My Decals Off Baby, sorte de condensé de Trout Mask Replica, malheureusement non réédité depuis 1991 et donc, very hard to find.
Un condensé, oui ! Car il est vrai qu'avec près d'une heure et demie (!) de programme, beaucoup ont souvent tendance à vouloir zapper quelques pistes. Bien leur en prend ? Que nenni ! Chaque morceau est une perle. Si malgré vos efforts, cela reste inécoutable, ou trop long, mieux vaut faire une pause et retenter le coup plus tard.
En espèrant qu'après, à tous ceux qui vous disent que ce truc est kitchissime et que ça ne va nulle part, vous leur répondez : Ah! stupide, Trout Mask Replica, c'est juste un des meilleurs albums de tous les temps.
PS : La camisole de force n'est pas fournie.
Quand je relis ta chronique, mon seul problème c'est ce que j'ai mis en gras.
Sur cet album, ce diable de John French est on-ne-peut-plus groovy malgré ses rythmiques bancales et pétaradantes...
Par contre, je te trouve vraiment plus lisible, je veux dire plus accessible et surtout avec une patte qui se rapproche plus des chroniques qu'on peut trouver sur le web ! C'est pas pour jeter des fleurs, hein, je dis aussi ce qui ne va pas ; j'aime juste ta façon d'écrire et j'aimerais me rapprocher un peu plus de ça parfois.