Ethiopiques Volume 15 a écrit:
various artists - Jump to Addis (2003)
1. Bati Yézinna Négash 6:48
2. Abèbayèhush Zèlalèm "Mimi" Guèbrè & Mignot Zènèbè & Muluqèn Tèshomè & Ermyas Tsegayé & Brouk Ybas 9:51
3. Sondéferi Ermyas Tsegayé & Brouk Ybas & Mignot Zènèbè & Yèshimébèt & Dawit Guèbrèab & Muluqèn Tèshomè 4:27
4. Ambassel Guènnèt Masrèsha 9:55
5. Eré Gèdamu / Ashebel Gédayè Guété Anlay 6:14
6. Médo Hanè Ermyas Tsegayé & Brouk Ybas & Mignot Zènèbè & Yèshimébèt 5:21
7. Sèqota I Yézinna Négash 3:53
8. Sèqota II Yézinna Négash 6:03
9. Koko Ermyas Tsegayé & Brouk Ybas & Mignot Zènèbè & Yèshimébèt 5:47
10. Bèlomi Bènna Asnaqè Guèbrèyès 5:17
Ethiopiques Volume 15.rar (93.45 MB)
Numéro un peu spécial que ce volume 15.
Loin de l'authenticité ou du caractère traditionnel, parfois tribal des volumes précédents, on est ici en plein dans une musique "actuelle".
Certes on y retrouve indéniablement l'empreinte éthiopique, mais ce disque rassemble aussi bien des musiciens éthiopiens, français que néerlandais, et cela s'entend avec une forte influence occidentale.
"Jump to Addis" est donc plus à ranger dans des catégories "fusion" ou "rencontre" que dans la pure culture abyssinienne. Le jazz, le blues, le rock ... revisités à la sauce azmaris urbains. Audacieux mélange pour certains, dispensable pour d'autres.
Une chose est sûr, ceux un peu hermétiques aux musiques des mondes trouveront ici quelque chose de plus abordable où la guitare, la batterie, le saxo... côtoient les krars (lyres).
Pour mieux comprendre à quoi s'attendre, quelques commentaires (accordés au magazine "Les nouvelles d'Addis", été 2003) de Francis Falceto (Directeur de la collection "Éthiopiques") à propos de ce volume :
Citation:
LNA. – Le vol. 15 des éthiopiques semble un objet atypique au regard de la collection… Il rompt, par exemple, avec certains volumes aux cuivres bien polissés autant qu’avec la gouaille des azmari urbains.
Francis Falceto. – Les éthiopiques-15 ne sont pas si atypiques que ça dans la collection, si l’on veut bien considérer qu’outre la musique moderne grand teint et haute époque (une dizaine de CDs), il y a également des azmari d’aujourd’hui (vol. 2 + vol. 18 à paraître début 2004), un CD consacré à la musique Tigrigna, un consacré à la musique Konso, un à la bèguèna…
D’autres “atypismes” sont en préparation, comme les œuvres complètes d’Asnaqètch Wèrqu, magnifique femme libre, chanteuse et joueuse de krar (éthiopiques-16, à paraître en octobre prochain) ; un CD de reprises par un big band américain tombé en amour avec la musique éthiopienne (Either/Orchestra) ; d’autres musiques d’Éthiopie injustement délaissées jusque-là (Harar, Wolayta, Oromo, Gouragué, Somali, Assossa, Tigrigna…) ; des restaurations de 78 tours enregistrés sous l’occupation italienne, ainsi que les enregistrements effectués dans les années 1960 par une pianiste aujourd’hui retirée au monastère éthiopien de Jérusalem (Emahoy Tsegué-Maryam Guèbru)…
Et, bien sûr, je guigne quelques incunables et autres trésors que j’espère sortir du flou juridique dans lequel ils sont encore congelés.
Hors éthiopiques, je travaille à une collaboration avec le Kronos Quartet, l’un des quatuors contemporains les plus pointus de la planète (plus de 25 CDs publiés depuis une vingtaine d’années), qui souhaite enregistrer un CD avec des arrangements de morceaux parus dans les éthiopiques (dont ils sont des fans de premier ordre, ce qui ne me réjouit pas peu). Dès novembre au Théâtre de la Ville (Paris), ils devraient présenter au moins un morceau éthiopien.
Trêve d’inventaire, ainsi que c’est bien noté sur le site internet des Nouvelles d’Addis, j’ai depuis le début indiqué que les éthiopiques ambitionnaient de « présenter un panorama sonore de ce chaînon manquant de l’Afrique musicale et d’être un lieu de référence aussi excitant que documenté, une sorte d’ambassade sonore de l’histoire musicale de l’Éthiopie. » Et j’ajoutais on ne peut plus explicitement : « La collection ne se limitera pas à l’âge d’or de la musique éthiopienne moderne et présentera aussi bien des archives sonores que des enregistrements récents, des musiques modernes aussi bien que traditionnelles, urbaines aussi bien qu’ethniques. »
En quelque sorte, je ne fais rien d’autre que ce que j’ai annoncé – en espèrant toujours que le succès d’estime ne se démentira pas, permettant ainsi de mener cette entreprise à son terme (car il y aura bien un terme, d’ici trois à cinq ans si tout se passe comme prévu). Les éthiopiques demeurent un projet fragile parce qu’elles n’ont aucun équivalent éditorial sur ce qu’il faut bien appeler le marché du disque, pas moins impitoyable que celui du livre pour tout ce qui n’est pas “produit kleenex”. Il faut ici rendre hommage à Gilles Fruchaux, directeur de Buda Musique et partenaire indispensable, qui a su développer ce projet en le dotant d’une distribution mondiale adéquate. Le public français (moins de 20% des ventes) n’aurait probablement pas pu permettre seul la survie des éthiopiques. Par ailleurs, aucune autre musique d’Afrique ne bénéficie, à ce jour, d’une exposition aussi ouverte de son patrimoine sonore, sans discrimination de style ou d’origine, rassemblée en une même collection.
Ces vingt-cinq dernières années, à chaque poste où je me suis trouvé dans la chaîne de production musicale (qu’il s’agisse de programmation, de production, de critique ou de recherche), ma règle d’hygiène a toujours été « Si je ne le fais pas, y a-t-il quelqu’un d’autre qui le fera ? » Autant dire que je me garde bien de faire des études de marché. Je me fie strictement à mes goûts personnels et à ma manie de vouloir les partager.
Pour conclure provisoirement cette question/réponse, je dirai que d’une manière générale tout ce qui est de nature à faire (re)connaître LES musiques d’Éthiopie me paraît bienvenu. À ce titre, je n’ai pas hésité lorsque les musiciens éthiopiens et européens de “Jump to Addis” m’ont proposé leur aventure musicale. L’accueil plus que chaleureux qu’ils ont reçu en Hollande en juin 2003 (6 concerts) valide, s’il était besoin, l’orientation singulière qu’ils ont choisie.
LNA. – J’ai noté des riffs façon Led Zeppelin ou Hendrix et il m’a semblé reconnaître des gimmicks à la Fela (piste 1)…
FF. – Led Zep, Hendrix, Fela… Hmm… Je n’entends rien de tout ça. Et Dieu sait (c’est une formule) si j’aime ces gaillards-là. C’est simplement que Damien Cluzel est un excellent guitariste ou Olaf Boelsen un bon sax. Sans parler du prodige Essoubalèw Adougna au mèssenqo (piste 4).
LNA. – J’ai aussi l’impression parfois de joutes oratoires quasi “ethniques” ou agraires (piste 3). Et de suppliques verbales, genre “blues abesha” (piste 4).
FF. – La totalité des morceaux d’éthiopiques-15 sont des reprises inspirées de morceaux traditionnels et populaires. Le chant en répons (piste 3), avec alternances soliste/chœur, ou homme/femme est un classique du genre, et pas qu’en Éthiopie.
“Ambassel” (piste 4) tout comme “Tezeta” est un peu le blues fondamental éthiopien. C’est aujourd’hui considéré (contre toute réalité historique, mais ceci est une autre histoire) comme un mode musical basique et à peu près tous les chanteurs, traditionnels comme modernes, ont leur propre version de ces morceaux.
LNA. – Il y a aussi des sortes de fifres…
FF. – Le fifre n’est rien d’autre que le washent, la flûte traditionnelle à 4 trous des bergers amhara. Assez peu utilisé dans les enregistrements ou dans les azmaribét, il n’y a guère que le Théâtre National et l’Agèr Feqer qui le mettent à l’honneur (mais dans une perspective folkloriste et mortifère). Je le tiens pour le seul instrument éthiopien capable de virtuosité, et Habtou ‘Anemouté’ Nègatou s’y entend.
LNA. – C’est quoi ces voix de petites filles en piste 6 ? Björk il y a 60 ans ?
FF. – Les chœurs sont partie intégrante de la musique traditionnelle, amhara aussi bien que des provinces méridionales. En particulier dans les chants de travail, de mariage, etc. Et les voix de tête suraiguës sont pure tradition (tout comme en Inde et dans une multitude de pays). Peu de voix de poitrine.
LNA. – Sauf erreur, les pistes 7 et 8 renvoient à “Tetchawèt” (éthiopiques-2), au moins dans les intros.
FF. – “Sèqota” est une sorte de “standard” qui tient son nom de la ville de Sèqota, tout au nord du Wèllo, tout près du Tegray comme de la province de Gondèr. Comme “Tezeta” ou “Ambassel” (et quelques autres airs populaires en faveur depuis quelques décennies), il y en a des dizaines d’interprétations.
J’ajouterai que ce que j’aime aussi dans ce disque, c’est la variété du répertoire – Wolayta, Sidama, Gouragué autant qu’Amhara. Ce qui n’est pas rien, compte tenu de la sous-représentation chronique des musiques méridionales en Éthiopie même.
Enjoy.