J'ai testé pour vous: l'achat de places pour Radiohead en concert à Nîmes.
Puisque je suis d'un naturel prudent, je me renseigne un peu sur l'évènement, quelques jours avant, et je découvre avec surprise que des ventes de billets avaient déja eu lieu sur leur site, et que, du coup, les places dans les gradins sont déja épuisées.
"Ah ouais, quand même"
J'en déduis qu'engouement il y a, et c'était prévisible, et surtout qu'il va falloir se pointer mieux qu'en temps et en heure devant ma FNAC du centre ville. Rapide calcul: "des FNACs, dans toute la France, y en a... plein! Y a 3 dates... 3 multiplié par quelques centaines de places, que je divise par plein de FNACs, bleubleubleu, ouverture de la mienne à 9h30, places en vente à 10h... Ok, pointage à 9h précises, devant la porte.
Dont acte.
A 9h précises, devant une FNAC, un vendredi matin de vente places pour Radiohead, il y a 5 personnes. Dont aucune (allez, si, une, peut-être) ne ressemble à quelqu'un qui va acheter des places pour Radiohead. Oui, les clichés, c'est mal, mais les personnes âgées me semblent, spontanément, peu enclines à se jetter dans une fausse brûlante, et la fille qui tourne en rond (un petit rond, 1m50, genre, on dirait une dingue) avec son mp3 hurlant et qui chante par dessus des trucs qui sonnent faux, ben je ne sais pas, je l'y vois pas.
Si pour cette dernière, je me trompais, j'avais bon pour les autres personnes présentes: les fans de Radiohead, ils commencent à arriver... top! Maintenant.
Ca commence soft, une poignée de gars, en ordre séparé, dont un, dès que je le vois, je me dis "lui il va voir Radiohead", sans pouvoir expliquer pourquoi, comme ça, un feeling. Il se poste à deux pas de moi, les autres se collent à la vitre. Son téléphone sonne: "ouais! ... concert... places... porte... tiens au courant!" Il raccroche. Curieux, je m'approche et lui demande si je puis me permettre de lui demander pardon d'être impoli, mais quel concert il va voir s'il vous plait. "Radiohead." Sourires mutuels, le gars avait envie de discuter, et voilà qui tombait bien parce que moi aussi, histoire d'oublier le froid et brouillard qui grise la ville rose. Du groupe, surtout, puis un peu de musique en général, très sympa. Ah, tiens, lui aussi s'amuse à deviner qui est là pour la même raison que nous. Nous tombons à peu près d'accord, sauf que lui il avait bon, pour la fille au mp3, mais nous n'en savons alors rien. Les minutes s'égrainent et la nervosité grandit comme la foule, encore assez éparse cependant: nous serons de toute façon parmi les premiers, tout devrait bien se passer. Méthode Coué. La porte s'ouvre bien, mais c'est pour permettre au gars de l'entretien de les nettoyer. Les va-et-vients de son balais lave-vitre semblent nous narguer en attirant notre regard sur ce qu'il se passe à l'intérieur. Et puis y a un foutu suspense: c'est laquelle, des deux portes, qui va la première autoriser l'entrée? Damned: c'est "l'autre", une dizaine de furieux s'engouffre. Deux files d'attente, aux caisses. Il est 9h30, mon interlocuteur et moi sommes 6e, dans la notre: "ça devrait le faire", quoi que nous devisions d'un rire grinçant sur les tuiles possibles quoi que peu probables pouvant tout fiche en l'air. Il imagine notamment en frissonant un catastrophique oubli de porte-feuille, je confesse que j'en suis à ma troisième vérification depuis que nous avons franchi la porte, ce qui l'amuse.
La FNAC ne cèdera pas: il faudra bien attendre "10h précise", pour les précieux sésames, mais au moins nous sommes à l'intérieur. Et la file grandit, jusqu'à déborder dehors, presque. Avec ceux de devant et ceux de derrière, nous échangeons des infos sur les disponibilités des Arènes Nîmoises, nous avons les mêmes: plus de place en gradins, toutes parties via le site officiel. Les guichetières semblent inquiètes devant ce parterre. On m'en fait la remarque, je suggère qu'il n'y a pourtant pas lieu d'être affolé, que le public de Radiohead était, dans mon idée, moins hystérique que celui d'un Tokyo Hotel. "Mais elles, ne le savent pas!", note l'un de nous. L'une des caissières s'éclaircit soudain la voix, puis demande: "y en a qui font la queue pour autre chose que Radiohead?" Nous jettons tous des regards inquisiteurs parmi la foule, en souriant, à la recherche de ces gens-là, ces outrecuidants qui auraient l'audace de venir saturer les rangs pour autre chose que pour l'un des meilleurs groupes du monde. Je lance un "faut pas avoir peur, hein, y a pas de honte!" qui me vaut un franc succès, "je voudrais des places pour Annie Cordy, s'il vous plait", renchérit mon voisin, "3 places pour RFM Party 80", un autre, on se marre bien, on se détend. Aux regards furieux des 2 personnes qui s'extraient du rang, je prends conscience de la grande condescendance de nos traits d'humour, je me promets de ne plus verser là-dedans. Ca ne plait d'ailleurs pas à l'agent de sécurité, qui nous ordonne à haute voix de stentor de bien vouloir quitter la file tant que les places ne sont pas en vente.
Nous nous exécutons par une translation latérale de... oh oui, bien 10cm! La moue du gaillard indique son mécontentement, mais aussi qu'il comprend qu'il n'obtiendra pas davantage de notre part. Les deux rangs sont d'ailleurs plutôt disciplinés, et pourtant il juge utile de les séparer par un long ruban.
Je me rends compte, soudain, que je discute au sein d'un groupe de 5 jeunes barbus comme moi, au même look faussement négligé. Un rapide tour d'horizon: il y en a plein d'autres! Révélation: je pensais ne ressembler à rien de particulier, mais si, je ressemble à un fan de Radiohead, apparemment.
Enfin, 10h sonnent, c'est parti. La stupeur se lit sur les visages des vendeuses, qui, elles, ont accès au nombre total de places restantes, sur toute la France. "Regarde comme ça descend, c'est dingue!" Nous sommes livides. Nous pestons gentiment contre ceux qui nous précèdent et contre les guichetières, qui semblent prendre leur temps, et nous en manquons. J'imagine l'une d'elle lancer au gars devant "je vous fais un petit paquet cadeau?" et l'autre répondre "oh oui, volontier!", nous sommes convulsés d'un rire nerveux.
Finalement, je suis reçu. Ouf... Je demande à la dame, par curiosité, combien de place il reste, en tout. Elle ne le dit pas, mais m'indique qu'il en part plus de 50 à la minute, à vue de nez. J'imagine le compteur. Vertige. J'ai appris plus tard que la vente eut lieu par vagues successives, espacées d'une heure parait-il, et qu'à 10h15 les places de la "première vague" étaient parties. J'ai eu chaud.
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