THE NIGHT FLIGHT!!
Haaa j'aime beaucoup beaucoup!! et cette voix!!!!
Dom's 5 - Night Flight :
Dès la découverte de Physical Graffiti, j'ai eu tendance à associer "Night Flight" et "House Of The Holy" comme deux morceaux de rock "presque" basiques, frères bien viandus et musculeux, plus radicalement rock que les autres car ils en ont bien les riffs facilement reconnaissables, une sorte d'urgence aussi, quelque chose de rapide de bref et d'incisif comme une mandale directe dans la tronche ou une invective lancée tout comme et qui ne tortille pas. C'est bien plus tard que, lors des remasterings, j'ai appris qu'ils avaient eu la même destiné d'enfants rejetés par leurs parents, le premier non retenu pour Led Zeppelin IV et le deuxième exclu du V "Houses Of the Holy" ...Et c'est ma fois tant mieux car ces deux là trouvent finalement bien mieux leur place dans cet énorme et généreux patchwork que dans les albums initiaux ... Night Flight est donc assez court, ramassé sur lui même, il n'y a pas de lard, que du muscle, c'est Plant qui prend les manettes en premier et semble devoir mener la barque tout le long de ce vol de nuit éclair..."j'ai reçu un message de mon frère..." etc etc...j'avais même pensé au livre de Saint-Exupéry et à ces aviateurs de l'ombre en costumes de guerre, casques de cuir et lunettes d'antan, comme on peut d'ailleurs en voir sur la pochette avec les joues gonflées à l'extrême. Plant chante bien et sobre, pas de maniérisme là, il est rock dans l'efficacité, il borde bien chaque refrain d'un "oh oh oh ohhhh...." enjoleur qui me fait à chaque fois un gros effet comme s'il voulait bien ficeller le truc, puis vers la fin du morceau, sa voix se raidira dans une sorte d'acidité assez Joplinienne... Bon, Plant c'est très bien, mais il ne faudrait quand même pas oublier le reste de l'équipage de ce petit quadrimoteur qui vole assez haut dans la nuit et cisaille bien l'espace de ses ailes tranchantes. Page fait le discret sur ce coup là, certes il assure du très bon riff rock'n roll imperturbable en imbrications nettes et précises de petites logiques de métal successives, mais point de solo, ben non les gars, on n'a pas le temps là, le rentre-dedans se passe très bien de chi-chi, allez donc demander à Chuck Berry s'il en faisait lui des soli ...Le "pacte " flashy/heavy est là aussi, Jonesy, en claviers très associés à la guitare, ce qui apporte un tout petit peu plus d'un noble jus à cette carcasse qui a faim, sa basse quant'à elle, sautille caoutchouc lointain mais ne fait pas d'éclat particulier car là il n'en faut pas, enfin, moins qu'ailleurs, puis le Bonzo, peut-être le deuxième vrai driver de ce morceau avec Plant, a une assure sobre et flash, un bon bordage lui aussi avec ces "tchacks" assez jouissifs par leur précision à l'orée et en clôture nette de chacun des refrains... Ce morceau va très vite et voilà que c'est déjà fini !
"Night Flight" avait pour judicieuse mission de nous faire passer en un éclair du tapis merveilleux des souvenirs enfouis, vers plus de réalisme animal. Oui, il devait simplement nous ramener sur terre pour nous y voir courir quelques lieues et nous redonner l'envie aux choses du présent, afin de mieux nous préparer à l'impudeur chantée...
Pierrou Night Flight
A peu près au moment de la sortie de Physical Graffiti, il y a eu cette fameuse interview de Jimmy Page par William Burroughs, dans laquelle l'écrivain suggérait notamment à Page d'aller découvrir in situ les musiciens-magiciens gnawas du Maroc - ce qui fut fait dans la foulée, d'ailleurs. Rencontre aussi incongrue que logique, finalement, entre deux demi-fous qui partagent, entre autres choses, le goût des assemblages alambiqués et hétéroclites et une certaine tendance au brouillage de pistes systématique. Pourquoi, là, je parle de Burroughs? Peut-être parce que ses Cités de la Nuit Ecarlate (1981) récemment bouquinées m'ont furieusement fait penser, dans leur construction, au Physical Graffiti de Led Zep, à moins que ce ne soit l'inverse. Au départ, exploration balisée des quelques obsessions habituelles - on a un peu de hard rock, une histoire de pirates, puis cette enquête haletante sur fond de magie, un vieux blues électrique, etc. Et puis progressivement, la machine commence à s'emballer et les récits, les époques, les sensations, les goûts s'entrechoquent et s'entremêlent pour ne plus former qu'une seule entité grotesque, protéiforme et, au final, monstrueusement cohérente. Night Flight arrive donc après ce grand dérèglement, après des trucs insensés comme Kashmir ou In the Light, et le moins qu'on en puisse dire, c'est qu'il enfonce le clou. C'est encore un de ces morceaux à la fois délicieusement familiers et totalement indéfinissables, dans la lignée des toniques Houses of the Holy ou Celebration Day. Visiblement, le type qui a décrété que les chants les plus désespérés sont les plus beaux n'avait jamais écouté Led Zeppelin... Car de la même façon que les Cités de la Nuit Ecarlate restent jusqu'au bout un bon roman d'aventure -si l'on n'est pas trop tatillon sur la chronologie - ce Night Flight est avant tout un vieux rock'n'roll tout ce qu'il y a de direct et jouissif. Essentiellement à cause de ces savoureuses guitares pagiennes servies en tranches épaisses, quasiment sudistes, le genre de morceaux qu'on avalait couramment en ces années d'avant la vache folle et le mauvais cholestérol. Bonham et Jones, de leur côté, nous la jouent un peu fromage et dessert. Le premier, en inventant pour l'occasion une sorte de rythmique proto-hip-hop qui ne peut évidemment pas s'empêcher de muter en cours de route, entraînant avec elle toute la chanson dans ses faux départs, ses envolées délirantes et ses atterissages d'urgence. Le second, en tentant de recoller les petits bouts de couplets joyeusement éparpillés par son comparse, au moyen d'une partie d'orgue dont la puissance et l'onctuosité mêlées peuvent rappeler Your Time is Gonna Come sur le premier album. On ne sait pas trop ce que chante Plant, j'ai juste compris qu'à un moment, quelqu'un lui colle un flingue dans la main - citation oblique et gratuite de Hey Joe qui produit pourtant le même effet sur l'organisme que les grattes vintage de Page. On est dans la comédie, presque dans la farce : comme les privés et les pirates de Burroughs, Plant est une fois de plus un un comédien en représentation, une caricature plaisante composée à partir de fantasmes et de souvenirs de petit garçon. Et une fois de plus, ça fonctionne à merveille, on en redemande, et ce qui est chouette, c'est qu'avec les morceaux suivants, on va en avoir encore un peu...
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