Commandante |
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Inscription: Aoû 11, 2006 23:23 Messages: 618 Localisation: Saint-Malo
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Trampled Under Foot
j'aime pas, j'aime pas, j'aime pas, j'aime pas, j'aime pas, j'aime pas
Dom's A l'époque, j'ai pris d'emblée ce morceau brûlot en pleine poire, face A du 45 tours que j'avais acheté fébrilement, dans l'attente du double bien cher pour mes petits biftons du moment, probablement que les découvertes préalables des autres Zep rendant l'attente de leur suite si excitante y étaient pour beaucoup, mais aussi les premières écoutes d'une musique black qui commençaient à bien me prendre les neuronnes comme le funk de James Brown dont l'influence s'était retrouvée avec bonheur dans leur "The Crunge" de l'album précédent, ou comme ces musiques soul de chez Tamla Motown produites par le magicien Norman Withfield, je veux parler des Temptations ou même de Undisputed Truth, et puis enfin comme ce "fameux" Superstition de Stevie Wonder déjà monstrueux joué par lui-même ou lors de la reprise bien lourde qu'en firent Beck Bogert et Appice et dont inconsciemment je retrouvais peut-être le feu dans ce morceau du Zep, bref, de multiples parfums qui me rendirent Trampled Under Foot indispensable ! Musicalement, difficile de parler avec raison de ce morceau tellement je l'ai en moi, on l'a beaucoup dit mais bien sur qu'il est plutôt funky et bien générateur de fournaise durable avec dès le début une rythmique obsédante menée par un clavier propre à certaines musiques black de l'époque destinées aux dance-floors mais pas encore disco... marrant d'ailleurs comme l'on ressent aussi presque celui des Doors dans son martelage répété du milieu. Mais le funk de Led Zep est forcément biaisé, lifté comme des balles de tennis bien envoyées à se prendre par rafales en pleine tronche alors que l'on ne s'y attend pas, l'ambiance est donc plutôt celle d'un morceau hybride à la chair faite de soul de funk et surtout et toujours de rock, de leur rock... Donc en plus des claviers Jonesiens mais aussi de sa belle ligne de basse jamersonnienne (one more time) qui se tord d'aise dans ce contexte assez motown, Bonzo créé la "rattache au rock" en étant d'entrée plutôt lourd et rock binaros, pas flashy mais plutôt heavy rustique sur ce coup là, mais ça entraîne bien la loco vers l'avant, ça le doit, la voix de Plant y est surchauffée mais plus soul preachy que funk, et rock c'est indéniable, il hurle bien le diable blondinet, comme toute chatte sur un toit brûlant qui se respecte, très très bien ses vox en live sur ce morceau, il s'est bien reveillé depuis qu'il s'est échappé de la maison sacrée limite tranquille qui a précédé, et puis les éclairs torsadés des vrilles multiples de la guitare de Pagey apportent aussi cette "présence" rock mais très édulcorée, très complexifiée, il fait là son propre Norman Withfield mais avec sa guitare, comme pour nous saouler des mêmes lumières et éclairs que l'on peut retrouver en boîte, vous savez, ces grosses boules à petits carreaux réfléchissants les feux de la nuit qui tournent au plafond, ou bien ces lampes stroboscopiques, hé oui, quand on danse on arrive à ne plus s'appartenir en fait, on ne sait plus où l'on se trouve, si tant est qu'un petit passage au bar ait précédé nos déhanchements des samedis soirs ...Et ces alcools insidieux et très efficaces qui nous font tituber d'aise, ce sont toutes ces petites explosions par-ci par-là de minis soli de Pagey dont un vers la fin du morceau survenu d'on ne sait quel coin du plafond de ce night club pour nous achever et nous exploser de joie.... Et puis ce morceau est un genre de jam sans fin, et c'est particulièrement évident en live, il s'étend il ne veut plus en finir, il semble que celà pourrait durer des heures jusqu'à nous offrir l'extase de la trance un peu comme chez George Clinton et son P-Funk, le fun en moins celà dit, ou un peu comme d'autres grands morceaux soul funk que l'on voudrait voir infinis tellement c'est bon, je veux parler par exemple de deux monstrueuses et moites pépites de Marvin Gaye comme "Got to give it up" ou même, plus tard, "A funky space reincarnation"... Alors voilà un morceau culte pour moi, ce sacré Trampled Under Foot ! Morceau mutant, morceau qui montre une fois de plus les multiples facettes de la scintillante et énorme boule Led Zep, ou ce fameux ballon que l'on voit dans "Le Prisonier", ce ballon gardien qui faisait toujours tout pour nous ramener au village Zeppelinien et dont il fut écrit il y a bien longtemps que jamais nous ne pourrions nous en échapper...
Pierrou Au coeur de Trampled Under Foot, il y a ce motif ensorcelant qui tourne en boucle sur le Clavinet flambant neuf de John Paul Jones... Le Clavinet, vous savez bien, c'est ce clavicorde des temps modernes, pensé pour jouer du Bach mais immortalisé par le fameux Superstition de Stevie Wonder. De toute évidence, même s'il y a bien un peu de la rigueur mathématique de Jean-Sébastien chez John Paul, ce dernier a quand même plus clairement basculé du côté funky de la force. Pas très étonnant de sa part, il nous avait déjà fait le coup sur Misty Mountain Hop, où tout partait déjà d'un riff d'orgue acéré, vite rejoint par d'impressionnantes surimpressions guitaristiques et un Bonzo costaud dans le rôle de l'arbitre. Ce qui change, c'est que Misty Mountain Hop était vraiment une oeuvre collective, où l'on se régalait d'entendre les pics jonesiens systématiquement embrumés par un Jimmy Page oeuvrant avec rondeur dans l'enluminure décalée, alors qu'ici, le guitariste en chef a clairement laissé les clefs du Zeppelin à son claviériste, se contentant d'épaissir un peu la sauce et d'ébaucher çà-et-là quelques plans bluesy à la manière d'un BB King bizarrement égaré sur la BO d'une des suites de Mad Max... D'où une ambiance assez neuve, au final, il faut dire aussi que c'est la première fois que Jimmy Page fréquente ainsi en invité une chanson de son groupe. Ce ne sera pas la dernière, et si l'on se prend à considérer le gargantuesque Physical Graffiti comme un florilège anticipé des oeuvres du groupe, reflétant toutes ses inclinations passées et futures, Trampled Under Foot pourrait facilement passer pour un morceau de la période In Through the Out Door. Prééminence des claviers de Jones, Page en franc-tireur de luxe, Bonham qui joue puissant mais dépouillé, même les inflexions vocales de Plant préfigurent celles, aggravées et assombries, qu'il adoptera vers la fin de Led Zeppelin. Le Zeppelin commencerait donc ici à changer, et à vieillir. Et c'est vrai qu'il manque un petit peu de nerf et de folie, ce Trampled Under Foot. On n'y trouve plus tout à fait notre compte habituel de bizarreries attachantes, de demi-secondes de génie disséminées au détour d'une piste de guitare ou d'un roulement de tambours, mais il conserve quand même une botte secrète : l'ouverture musicale. J'ai dit que Jones jouait funky, ce n'est qu'à moitié vrai : son jeu de basse extrêmement sobre, élément discret mais déterminant du son d'ensemble, évoque aussi les expérimentations de Cerrone ou de Moroder à la même époque, avec cette façon si particulière de marteler chaque temps, et de nous balancer nonchalamment des séries de ramponneaux dans le bas-ventre, en parfaite intelligence avec la grosse caisse de Bonzo. Ce serait donc presque du disco, mais un disco martial, dépourvu de paillettes et résolument indansable, sauf peut-être par ces robots japonais que l'on voit parfois, à la télé, exécuter mécaniquement toutes sortes de singeries inutiles. Mais cette chanson n'a pas été écrite pour les pieds, elle témoigne plutôt du besoin irrépressible qu'a Led Zeppelin d' élargir sans cesse son champ d'action. En live, d'ailleurs, la structure simple et élastique de Trampled Under Foot se révèle aussi un bon moyen de pousser encore plus loin l'exploration et l'improvisation, à partir de cet unique riff obstinément répété, et du coup, cette chanson correcte mais pas incontournable dans sa version studio deviendra un nouveau classique du groupe, qui sera désormais - comme Whole Lotta Love ou Dazed and Confused - remanié, étiré, accéléré, boursouflé, maltraité à chaque concert jusqu'au tout dernier.
_________________ despète
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